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Les rites funéraires piquent ma curiosité depuis que je suis enfant et j’ai souhaité en faire mon métier

Manon MONCOQ

Anthropologue du funéraire
Manon MONCOQ est doctorante en anthropologie, et rédige une thèse sur les Funérailles Ecologiques : « Analyse anthropologique d’un nouveau rapport à la mort, au corps et à l’environnement ». Elle s’intéresse à l’émergence de nouvelles pratiques et nouveaux processus funéraires dans le monde occidental. Elle mène de front une activité de consultante-intervenante sur l’univers funéraire qui l’amène à intervenir dans toute la France et auprès de publics variés.

VOUS ET VOTRE PROJET

Depuis que j’ai 3 ans, je voulais travailler sur les rites funéraires. J’ai découvert la momie du Louvre et je me suis dit : mais pourquoi ont fait çà à un défunt ? Et quelques années plus tard, à 10 ans, mon père s’est suicidé, ce qui m’a fait aussi grandir très jeune avec ce deuil-là, cette douloureuse disparition, et je pense qu’en un sens, avoir vécu ce drame, m’a permis de me familiariser beaucoup plus facilement avec la mort.

Les Funérailles Ecologiques permettent d’accorder son mode de « mort » à son mode de vie.

En France, il y a deux modes de sépultures qui sont autorisées depuis la loi sur la liberté des funérailles de 1887, qui sont l’inhumation et la crémation. Mais on se rend compte que, dans le monde occidental, il y a des innovations qui ont été pensées de façon alternative, et qui sont présentées par leurs créateurs comme plus écologique que l’inhumation et la crémation. On peut parler de l’aquamation, par exemple, qui est la crémation par l’eau, la promession, ou encore l’humusation et les NOR process (Natural Organic Reduction).

L’humusation a pour principe de transformer le corps du défunt en compost en le mettant dans un linceul biodégradable, sur un tas de broyat. Et à l’issue de plusieurs mois, lorsque toute la matière organique aura été désintégrée par l’univers vivant de ce tas de broyat, on pourra récupérer les os et les dents, les réduire en poudre, mélanger cette poudre-là au tas de broyat initial. A l’issue d’une année au total le corps sera transformé en compost. Mais le procédé ne s’arrête pas là. L’idée est de rendre à la famille 1% du 1,5 mètres cubes environ de compost pour qu’elle puisse, par exemple, le déposer au pied d’un arbre mémoriel dans une forêt du souvenir, et que le reste 99 % restant puisse être utilisé pour participer au reboisement de la planète.

Ce dont je suis sûre, c’est qu’il ne faut pas aller trop vite, parce qu’il y a encore beaucoup de choses à faire, je pense, concernant l’inhumation mais surtout la crémation en France. On peut encore développer ces rituels-là, accompagner les familles à tout niveau, et l’humusation pose quand même beaucoup de questions d’un point de vue législatif bien sûr, mais aussi d’un point de vue moral, éthique, philosophique, psychologique, sociologique, anthropologique, et donc il faut, en amont, bien préparer toutes les questions et toutes les dérives que cela pourrait soulever, et tous les intérêts aussi, bien sûr.

Pouvoir intervenir en tant qu’anthropologue auprès d’acteurs du secteur funéraire et affiliés est un honneur auquel je ne pensais même pas pouvoir accéder un jour. C’est grâce à mes clients que j’ai la chance de pouvoir tous les jours travailler sur les sujets qui me passionnent, de rencontrer des personnes et découvrir des projets fantastiques. Le monde du funéraire est un univers on ne peut plus enrichissant et ô combien essentiel. Je suis très reconnaissante de pouvoir agir pour les défunts et leur famille au quotidien grâce à mes collaborations à travers l’anthropologie.

Premier grand objectif pour 2024 : la soutenance de thèse ! Et enfin obtenir le diplôme de Docteur en Anthropologie. J’ai également de nombreuses collaborations prévues : d’une enquête à réaliser pour le CNRS sur le projet d’un nouveau crématorium, à l’intervention sur les modes de sépulture alternatifs pour de grandes agglomérations françaises, en passant par une conférence sur les enfants et la mort. Mon calendrier se remplit vite, avec de nombreux projets différents, et c’est d’autant plus stimulant.

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Manon MONCOQ

Anthropologue du funéraire